Plougrescant est surtout connu pour la carte postale qui a fait le tour du monde et qui représente une petite maison de pierre construite et enchâssée entre deux énormes blocs de granit. Entourée d'un muret de pierre, elle a été construite à quelques mètres d'un gouffre.
Sorte d'image d'Epinal, cette curiosité était devenue la carte de visite d'un village bordant des falaises sauvages où vous trouverez une nature qui, là aussi, a laissé libre cours à sa fantaisie.
Vous ne trouverez plus dans les boutiques de souvenirs de cartes postales représentant cette maison : elles ont toutes disparu.
Castel Meur est le nom de cette maison surprenante. Elle tourne le dos à la mer depuis 1861, année de sa construction, pour se protéger des vents violents qui soufflent lors des tempêtes, fréquentes à cet endroit. Cette demeure minuscule fut érigée à une époque où les permis de bâtir n'existaient pas, où chacun pouvait construire à sa guise et laisser libre cours à sa fantaisie.
Il fallait par ailleurs avoir un amour immodéré pour la mer et ses caprices pour vivre en un tel endroit, surtout en hiver. Son bâtisseur était de cette trempe et vivra ici de nombreuses années, creusant presqu'entièrement de ses mains la lande pour y aménager deux étangs.
Ses héritiers ne l'occuperont qu'épisodiquement, les jours de beau temps. Elle sera une résidence secondaire pendant plusieurs décennies, paraissant même parfois abandonnée car ouverte seulement une fois tous les deux ou trois ans depuis la fin du 20ème siècle. L'occupante actuelle, en effet, petite-fille du premier maître des lieux quittera Tréguier où elle était née, pour aller faire fortune en Amérique. Après avoir cédé son affaire, elle revint s'installer ici en 2004.
Entretemps, les édiles locaux, soucieux de développer la vague déferlante du tourisme côtier, se seront emparés de l'image de Castel Meur pour en faire l'emblème de la Pointe de Plougrescant ...
Elle fera le tour du monde, générant un engouement tel qu'elle n'était plus considérée par le visiteur de passage comme une propriété privée mais comme un site ouvert à toutes les curiosités. La désinvolture ira à son comble un beau jour d'été où un autocar de touristes japonais aura la mauvaise idée de s'arrêter là : ses passagers voulant à tout prix un souvenir original iront jusqu'à grimper sur le toit de la maisonnette afin de s'y faire photographier ! Les dégâts qu'ils auront occasionné pousseront la propriétaire à protéger son bien : elle intentera une action en justice afin de faire valoir sa "propriété à l'image" et, depuis lors, toute représentation commerciale de Castel Meur est désormais interdite ...